Le traitement du syndrome de Marfan par bêta-bloquants

Publié le 10/10/2019 à 14h55 (mis à jour le 10/10/2019 à 16h08)

Comment agissent-ils ?

Les bêta-bloquants agissent en modifiant l’action du « système sympathique », dont le rôle est de mettre l’organisme en position de se défendre mieux contre une agression extérieure. Il est mis à contribution quand l’organisme a besoin de puiser dans ses réserves, par exemple à l’occasion d’un stress, d’une peur, un effort physique, d’une hypoglycémie…

L’organisation du système sympathique est la suivante : une commande centrale se situe au niveau du cerveau, qui va communiquer avec tous les organes en périphérie, par l’intermédiaire d’hormones, telles que l’adrénaline, et par le biais de nerfs. Au niveau du cœur, ces derniers vont accélérer la fréquence cardiaque, et augmenter la force de contraction, ce qui va permettre une augmentation du débit cardiaque. Ils vont agir également au niveau des vaisseaux, où selon les zones et les moments, ils vont entraîner une constriction ou une dilatation, ce qui va permettre au débit cardiaque d’être dirigé là où l’organisme en a besoin.

Quels sont les effets des bêta-bloquants ?

Ils bloquent l’action du système sympathique, et celle de l’adrénaline, et donc les signes qui apparaissent à l’occasion d’un effort, ou d’un stress. Au repos, l’action des bêta-bloquants est donc beaucoup moins nette.

Au niveau du cœur, les bêta-bloquants vont diminuer la fréquence cardiaque. Ils agissent surtout au pic de l’effort, où on atteint habituellement une fréquence cardiaque de l’ordre de « 220 moins son âge », c’est-à-dire de 200/min lorsqu’on a 20 ans, et qui va diminuer avec le vieillissement. Avec un bêta-bloquant, cette fréquence cardiaque va être ralentie à environ 100 ou 110/min. Au niveau vasculaire, on obtient un effet vasoconstricteur immédiat. En chronique, à l’inverse, l’effet des bêta-bloquants est plutôt vasodilatateur ; on les utilise pour traiter l’hypertension artérielle, car la pression baisse en raison de la dilatation des vaisseaux.

Pas de bêta-bloquants pour les asthmatiques graves

L’effet sur les autres récepteurs pourrait être qualifié de néfaste, notamment au niveau pulmonaire : les récepteurs bêta favorisent la dilatation des bronches, et leur blocage va favoriser la constriction des bronches. Chez les personnes sujettes aux crises d’asthme, les bêta-bloquants risquent par conséquent de déclencher des crises ; ils sont donc contre-indiqués dans les formes graves. Dans les formes modérées, ils peuvent être bien tolérés et sont donc discutés au cas par cas.

Les bêta-bloquants sont largement prescrits

Ils le sont en effet dans de nombreuses maladies fréquentes chez l’adulte mais aussi chez l’enfant : dans l’hypertension artérielle, il s’agit d’un des médicaments recommandés en première intention ; or elle touche 50% de la population des 55 à 65 ans. L’angine de poitrine, due au fait qu’une artère coronaire est rétrécie, est également une pathologie fréquente, pour laquelle on prescrit des bêta-bloquants. On peut également les utiliser pour traiter les arythmies, c’est-à-dire lorsque le cœur « s’emballe ».

Ainsi, nombreuses sont les personnes, dans la population, qui se voient prescrire des bêta-bloquants, pour des raisons tout à fait indépendantes du syndrome de Marfan.

Quels effets indésirables ?

Les personnes sous bêta-bloquants se plaignent parfois de fatigue, éventuellement, de malaises, mais qui sont assez peu fréquents ; en pratique, ce traitement s’avère bien toléré. Le plus souvent, les patients se plaignent seulement de fatigue passagère et transitoire.

Certaines pathologies risquent de décompenser au cours du traitement, notamment l’insuffisance cardiaque (la diminution supplémentaire du débit cardiaque peut être mal tolérée).

Enfin, il faut signaler que l’impuissance représente un effet secondaire classique, même si sa fréquence est difficile à estimer, et souvent liée à un élément extérieur au traitement (comme par exemple, la pathologie qui a justifié la mise sous traitement).

Il faut savoir que le seul fait de prendre un médicament est souvent générateur d’effets secondaires ; dans toutes les études, même les « placebo » (c’est-à-dire un traitement dépourvu d’effets pharmacologiques), en génèrent. Par conséquent, le fait de ressentir quelque chose au début d’un traitement de bêta-bloquants ne doit pas faire conclure qu’il en est en cause.

Pourquoi choisir un bêta-bloquant plutôt qu’un autre ?

Il existe beaucoup de bêta-bloquants sur le marché. On les différencie en fonction de certaines propriétés. Le Bisoprolol est actuellement le médicament recommandé dans le cadre du syndrome de Marfan, pour plusieurs raisons.

Une caractéristique des bêta-bloquants est leur liposolubilité, c’est-à-dire leur solubilité dans les graisses. Les médicaments liposolubles passent plus facilement dans le système nerveux central, et de ce fait, peuvent entraîner plus d’effets secondaires de type cauchemars, etc. Le Bisoprolol, comme l’Atenolol, a l’avantage de ne pas être liposoluble (mais hydrosoluble).

Dans le syndrome de Marfan, il s’agit de bloquer les récepteurs de type bêta-1 et non les autres ; or le Bisoprolol (ou l’Aténolol) est relativement spécifique de ce type de récepteur. Par ailleurs, le Bisoprolol a une demi-vie longue qui permet de ne prendre qu’une prise par jour. La dose prescrite est variable ; mais l’objectif est de faire baisser la fréquence cardiaque en dessous de 110 au pic de l’effort.

Pourquoi propose-t-on des bêta-bloquants aux personnes Marfan ?

L’une des conséquences les plus graves du syndrome de Marfan est la dilatation trop importante de l’aorte au fil des ans qui entraine un risque de dissection aortique. L’objectif des bêtas-bloquants est donc de limiter cette dilatation aortique.

Précisons que chez chaque être humain, l’aorte se dilate avec l’âge. Les facteurs favorisant sa dilatation sont les suivants :

  1. la pression artérielle (c’est-à-dire la pression qui règne dans le vaisseau et tend à le distendre) ;
  2. la fréquence cardiaque (c’est-à-dire le nombre de fois où l’aorte est distendue par minute) ;
  3. la fragilité de la paroi aortique : plus la paroi est fragile et plus la dilatation va être rapide.

Une prévention efficace : une étude menée avec des individus Marfan (publiée dans le New England Journal of Medicine 1994, 330, 1335-1341), comprenant des sujets âgés de 12 ans et plus, a montré un effet nettement bénéfique des bêta-bloquants sur la progression de la dilatation aortique, au vu du suivi par échographie du diamètre aortique. Cette étude démontre clairement que la dilatation aortique est freinée au cours du temps grâce à un traitement de bêta-bloquants. Avant 12 ans, une publication française chez des patients parisiens et toulousains (Ladouceur M, 2007) a montré son intérêt. Nous proposons donc systématiquement ce traitement dès 4-5 ans si le diagnostic de Marfan est porté avec certitude, en l’absence de contre-indication.

En cas de contre-indication au traitement bêta-bloquants ou de mauvaise tolérance, votre cardiologue proposera d’autres molécules. Les sartans n’ont pas confirmé leur intérêt par rapport aux bêta-bloquants dans des études internationales et sont contre indiqués pendant la grossesse.

Mise en garde importante

Il ne faut pas arrêter brutalement le traitement. Lorsque le traitement est pris, l’organisme réagit en augmentant la stimulation sympathique centrale (elle n’est pas efficace puisque les récepteurs sont bloqués). Si la transmission est rétablie par libération des récepteurs (arrêt du traitement), on peut observer un effet « rebond », avec augmentation de la fréquence cardiaque et de la force de contraction. Avec les bêta-bloquants utilisés actuellement, il faut un certain temps d’arrêt pour que le bêta-blocage soit effectivement levé, et si l’on oublie de prendre son comprimé le matin pour le prendre le soir, cela n’a pas beaucoup d’importance. En revanche, un oubli sur 3 à 4 jours consécutifs peut avoir plus de conséquences, et provoquera un effet opposé à celui recherché. Il faut donc prendre son traitement de façon régulière.

Prévention de l’endocardite

Il faut suivre les recommandations européennes [PDF - 1.9 Mo] , chez les porteurs de valve mécanique, ou de bio-prothèse ou de plastie aortique. Il n’y a pas de prévention de l’endocardite chez les patients sans chirurgie valvulaire, à moins qu’une endocardite soit déjà survenue.