Les moyens thérapeutiques

La stratégie de prise en charge

Publié le 03/09/2021 à 11h05

Elle repose sur 2 objectifs complémentaires :

1 - Stopper l’évolution :

  • Identification des facteurs de risque : interrogatoire poussé pour rechercher les facteurs de risque de frottements oculaires, bilan allergologique, dépistage familial (fratrie, enfants, …), habitudes de sommeil, masques à O2 nocturnes avec des fuites dans le syndrome d’apnées du sommeil
  • Limiter les frottements oculaires : éducation, traitements lubrifiants, anti-allergiques
  • Limiter les appuis oculaires en évitant de dormir sur le ventre ou sur le côté avec un appui (main, oreiller) dans la région oculaire. Des coques de protection nocturnes peuvent être conseillées.
  • Renforcer la biomécanique cornéenne : cross-linking cornéen

2 - Améliorer la qualité de vision :

Dans l’ordre des priorités, il faut :

  • Réduire les aberrations cornéennes de haut degré : asymétrie et irrégularités de la cornée
  • Réduire la myopie et l’astigmatisme cornéen

Le choix de la stratégie thérapeutique se décide au cas par cas après un bilan complet visant à :

  • Évaluer la sévérité et le retentissement individuel du kératocône
  • Informer et éduquer pour lutter contre les facteurs de risque
  • Définir l’évolutivité et une stratégie de réhabilitation
  • Correspondre avec le médecin ophtalmologiste référent pour établir la ligne de suivi du patient
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Les lunettes

Publié le 18/01/2008 à 15h18 (mis à jour le 03/09/2021 à 11h06)

C’est le premier équipement optique proposé pour les formes débutantes ou pour lesquelles ni l’asymétrie, ni l’irrégularité de la cornée ne sont trop importantes.

A un stade plus avancé, elles ne permettent plus de corriger suffisamment la vision.

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Les lentilles de contact

Publié le 18/01/2008 à 15h24 (mis à jour le 03/09/2021 à 11h19)

Les lentilles rigides permettent d’imposer une surface réfractive régulière à la cornée déformée des patients porteurs d’un kératocône. Le plus souvent, elles permettent une amélioration significative de l’acuité visuelle du patient par correction du fort astigmatisme irrégulier, non-corrigeable par des lunettes.

En revanche, les lentilles n’ont pas d’effets sur l’évolution naturelle du kératocône. Elles ne sont pas prescrites pour stabiliser le kératocône.

Une grande diversité de lentilles spécialement conçues pour les kératocônes permet d’équiper pratiquement toutes les formes minimes et modérées de l’affection. L’adaptation présente cependant des limites pour les formes plus évoluées et les patients intolérants aux lentilles.


Différents choix de lentilles (non exhaustifs) dans le kératocône (après instillation d’un colorant, la fluorescéine, pour faciliter leur visualisation). Dans l’adaptation piggyback, une lentille souple est positionnée sous la lentille rigide pour améliorer le confort. Une lentille hybride présente une partie périphérique souple. La lentille sclérale est de plus grand diamètre et permet notamment de corriger des déformations sévères.

Afin de permettre aux patients de trouver un ophtalmologiste « contactologue » (adaptateur de lentilles de contact) « de proximité », la SFOALC (Société Française des Ophtalmologistes Adaptateurs de Lentilles de Contact) a proposé à ses adhérents de participer à un « réseau kératocône ». L’idée étant de créer un maillage de spécialistes du kératocône répartis dans les régions françaises.

L’équipement en lentilles d’un kératocône permet l’amélioration notable de l’acuité visuelle mais celle-ci nécessite un contrôle régulier afin de s’assurer du confort du patient, de contrôler l’évolutivité de la pathologie et afin d’éviter les complications liées à la mauvaise adaptation ou utilisation de la lentille :

  • Érosions cornéennes du sommet, en cas de :
    • Temps de port excessif,
    • Anomalies du film lacrymal
  • Éblouissement, dans ce cas il faut augmenter le diamètre de la zone optique
  • Mauvais centrage : il faut augmenter le diamètre total ou diminuer le rayon
  • Mauvais confort : il faut vérifier les dégagements périphériques
  • Ventousage (la lentille ne bouge pas)
  • L’intolérance du patient pour la lentille constitue une autre limite : elle se traduit souvent par un inconfort ressenti comme des picotements, des sensations de sécheresse ou d’irritations.
  • L’intolérance du patient peut se traduire aussi par la perte répétée de sa lentille due soit à un kératocône trop évolué, soit trop décentré. Ces situations entraînent soit une instabilité de la lentille, soit des frottements répétés des yeux, soit la perte fréquente de la lentille lors de manipulations ou pendant les activités sportives.
  • Enfin, il peut s’agir d’une intolérance, non spécifique au kératocône, mais plutôt liée aux risques classiques du port des lentilles. Peuvent être rencontrées des complications palpébrales (ptosis), lacrymales (instabilité progressive du film lacrymal diminuant le confort), conjonctivales (conjonctivite papillaire géante, kératoconjonctivite allergique), épithéliales cornéennes (érosions d’origine mécanique, chimique, hypoxique ou immunologiques), stromales cornéennes (infiltrat stérile, kératite bactérienne, amibienne et fongique, serrage de la lentille), enfin les complications endothéliales sont rares.
  • L’intolérance peut être aussi d’ordre allergique en rapport avec les produits d’entretien, des réactions d’allergies saisonnières, ou de l’eczéma des paupières.

Lorsque la lentille n’est pas, ou plus tolérée, il est licite de proposer une alternative chirurgicale.

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Le cross-linking cornéen

Publié le 30/05/2014 à 14h04 (mis à jour le 03/09/2021 à 11h26)

Le cross-linking cornéen a pour but de « rigidifier » une cornée biomécaniquement instable. Le principe repose sur un pontage biochimique photo-induit des fibres de collagène.


Réticulation des fibres de collagène et de la matrice extracellulaire sous l’action conjuguée de la riboflavine et des UV-A qui aboutit à la formation de ponts intra- et inter-fibrillaires.

Il existe divers protocoles de traitement mais le principe est simple. En ambulatoire, sous anesthésie locale, une molécule photoréactive, la riboflavine (vitamine B2), est instillée sur la cornée pendant plusieurs minutes. S’ensuit une exposition non éblouissante à des UV-A pendant quelques minutes de la cornée centrale, pour déclencher une réaction chimique dite de photoréticulation. Les UV-A sont absorbés par la riboflavine dans la cornée et libère des radicaux libres hyperactifs qui engendrent un pontage du collagène cornéen et une dégradation de l’innervation cornéenne. La cornée est ainsi renforcée et transitoirement insensibilisée. Le renforcement a pour but de stabiliser le kératocône. La dénervation partielle et transitoire a pour effet secondaire bénéfique de limiter le réflexe délétère de frottement oculaire.


Cross-linking cornéen avec instillation de riboflavine et exposition à des UV-A.

La cicatrisation cornéenne est ensuite dirigée par une lentille de contact pansement, à retirer dans les 3 à 5 jours suivant l’opération, des antalgiques, des antibiotiques, des anti-inflammatoires collyres et des lubrifiants oculaires.

Les indications du cross-linking ne concernent que le kératocône évolutif. Le cross-linking ne vise pas à améliorer la vue, mais à éviter l’aggravation du kératocône.

Il est prescrit essentiellement pour des patients de moins de 30 ans et ne sera pas réalisé systématiquement en l’absence de progression avérée. Les enfants sont parfois traités plus rapidement, ou surveillés de façon plus rapprochée, en raison du risque d’aggravation rapide.

Les résultats sont concordants dans la littérature et rapportent une stabilisation de la maladie dans près de 85-90% des cas. Les premières publications de résultats cliniques datent de 2003. Un certain nombre de patients peut cependant voir son kératocône continuer d’évoluer malgré le traitement, souvent dans un contexte de très jeune âge, de kératocône sévère avec cornée très amincie, de terrain atopique ou de frottements oculaires incoercibles.

Bien qu’efficace, le cross-linking n’est pas dénué de complications. La plupart de ces complications sont dues à la phase initiale de la procédure chirurgicale qui consiste à gratter la surface de la cornée pour favoriser la diffusion de la riboflavine. Cette abrasion épithéliale cornéenne mécanique est à l’origine d’une part de phénomènes douloureux pendant 1 à 3 jours, temps de la repousse des couches de surface et, d’autre part, de possibles, bien que rares, phénomènes cicatriciels, voire infectieux. Il n’est par contre pas rare d’être très sensible à la lumière dans les suites de l’opération et parfois de percevoir un voile transitoire.

D’autres approches du cross-linking sont utilisées pour essayer d’en améliorer l’efficacité et le confort.

Enfin, le cross-linking peut être couplé à d’autres procédures si les conditions cornéennes de sécurité le permettent : anneaux intra-cornéens, photoablation par laser excimer.

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Les anneaux intra-cornéens

Publié le 18/01/2008 à 15h37 (mis à jour le 03/09/2021 à 11h38)

Les anneaux intra-cornéens sont de petits segments d’anneaux semi-circulaires rigides en polymère plastique, d’épaisseur et de longueur d’arc variables, de diamètre également variable de 5, 6 et 7 mm. Ils sont utilisés dans le kératocône depuis 1997.


Taille des anneaux

L’objectif des anneaux est d’améliorer la qualité de vision des patients en remodelant l’architecture cornéenne pour diminuer les aberrations optiques. Il s’agit d’une technique additive (1 ou 2 segments d’anneaux sont insérés), conservatrice (pas de remplacement de cornée comme dans la greffe), possiblement réversible (les anneaux peuvent se retirer).

L’indication est définie au cas par cas en cas d’intolérance aux lentilles rigides ou de difficultés de port des lentilles rigides (atteinte purement unilatérale, métiers incompatibles avec le port de lentilles, sports, choix du patient). Le prérequis est l’absence d’opacités cornéennes, une épaisseur cornéenne suffisante et une cornée « pas trop cambrée », ce qui exclut les formes les plus sévères.

L’intervention est réalisée en ambulatoire, sous anesthésie locale par collyre. Elle est assistée par le laser femtoseconde qui permet de réaliser la découpe d’un canal circulaire dans la partie profonde de la cornée pour accueillir 1 ou 2 segments d’anneaux.


Schéma de la dissection du tunnel cornéen par laser femtoseconde.

Le choix des anneaux est déterminé au cas par cas, selon les caractéristiques de chaque kératocône.


Anneaux intra-cornéens avec section cornéenne en OCT montrant leur profondeur d’implantation.

Le résultat n’est pas immédiat en raison de la réponse biomécanique de la cornée qui peut demander 2 à 3 mois pour se stabiliser. Le résultat peut être imprévisible mais permet souvent d’améliorer la vision corrigée par des lunettes, parfois une adaptation lentilles plus aisée, une moins grande fatigue visuelle, ou une meilleure qualité visuelle.

Parfois, si le résultat est insuffisant, un traitement par laser de surface excimer, souvent couplé à un cross-linking, peut être proposé. Si le résultat final est décevant, une greffe de cornée reste possible, sans perte de chance.

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La greffe de cornée

Publié le 18/01/2008 à 15h46 (mis à jour le 03/09/2021 à 12h00)

La greffe de cornée est réservée à l’échec des autres stratégies de prise en charge. Elle intervient en dernier recours, mais peut n’être parfois d’emblée que la seule solution sur les formes très sévères, avec opacités cornéennes centrales par exemple.


La greffe de cornée dans le kératocône nécessite l’utilisation d’un greffon provenant d’un donneur décédé et permet de restaurer l’intégrité cornéenne en épaisseur et en forme.

La greffe est une technique efficace mais qui marque un tournant dans la vie des patients. La prise en charge demande un suivi régulier, à vie. La durée de vie de la greffe est fonction du type de greffe réalisé, des complications possibles, de la sévérité initiale de la maladie, de la qualité du greffon du donneur, des complications possibles.

La technique de choix est la greffe lamellaire antérieure profonde, qui permet de conserver une fine couche, l’endothélium, qui tapisse la face arrière de la cornée du patient. Cette couche, si elle peut être conservée, est importante car elle est à l’origine de la plupart des rejets de greffe et détermine la durée de vie d’un greffon.


Schéma de la séparation opératoire des plans profonds sous la forme d’une « bulle ».

Dans le cas contraire, lorsque cette couche ne peut pas être conservée, la greffe est dite « de pleine épaisseur » ou transfixiante. Ce n’est qu’au cours de l’opération que le chirurgien sait si cette couche endothéliale peut ou pas être conservée. Le pronostic de récupération visuelle est excellent dans les 2 cas. L’opération est réalisée sous anesthésie générale et dure 1 heure à 1 heure 30, le plus souvent en hospitalisation ambulatoire avec une surveillance initiale rapprochée.


Greffe de cornée lamellaire profonde suturée par points séparés de nylon. Le nœud de chaque point est enfoui dans l’épaisseur cornéenne de façon à le rendre insensible. L’interface entre le donneur et le receveur est à peine visible dans les suites opératoires.

Le patient devra instiller des collyres corticoïdes anti-rejet sur une durée de 1 à 2 ans. La récupération visuelle nécessite environ 1 an pour être stable, après retrait des sutures (points séparés et/ou surjet) pour ajuster l’astigmatisme. La vision pour être optimale nécessite une adaptation de lunettes, ou de lentilles de contact et, dans environ 20% des cas : des retouches, le plus souvent par laser (traitement de l’astigmatisme résiduel par laser femtoseconde ou excimer).


Adaptation d’une greffe par lentille sclérale, le plus souvent pour compenser une irrégularité cornéenne.

Les principales complications de la greffe de cornée sont :

  • le rejet de greffe immunologique. Le risque est plus important les 2 premières années mais peut persister ultérieurement. Un traitement rapide et adapté, parfois par des perfusions de corticoïdes, permet le plus souvent de contrôler le greffon et de conserver la transparence du greffon. Il convient de consulter rapidement en cas d’œil rouge et douloureux, photophobe (éblouissement) et de baisse d’acuité visuelle.
  • des problèmes de sutures (infection, décalage ou désunion spontanée ou traumatique des berges du greffon),
  • la survenue d’une cataracte ou d’un glaucome, favorisés le plus souvent par les corticoïdes,
  • un astigmatisme géant résiduel,
  • une déformation secondaire du greffon par poursuite évolutive du kératocône, lorsque la greffe est intervenue précocement (en général au-delà de 15 ans postopératoire),
  • une perte de transparence du greffon avec le temps, pouvant nécessiter son remplacement.

Globalement, les résultats de la greffe de cornée sont très satisfaisants pour le kératocône. La greffe améliore la qualité visuelle et de vie des patients au prix cependant d’une surveillance rigoureuse.

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Les autres techniques

Publié le 03/09/2021 à 12h07

Le laser excimer :
C’est le laser utilisé pour corriger la myopie. Il peut dans certains cas, servir à remodeler la cornée pour diminuer les aberrations optiques induites par le kératocône. Il est le plus souvent proposé au décours d’une implantation d’anneaux pour améliorer le résultat visuel. Un cross-linking est souvent réalisé, soit en amont, soit en association le jour du laser pour renforcer le collagène sous-jacent à la zone amincie volontairement par le laser. Ce geste impose une période de cicatrisation de 6 à 12 mois. En cas d’insuffisance de l’approche, une greffe de cornée reste toujours possible.


Laser excimer guidé par la topographie. L’objectif est ici de remodeler, par photoablation excimer guidée par la topographie, une cornée déformée (malgré la présence d’anneaux) pour en améliorer les propriétés optiques. L’affaiblissement biomécanique secondaire à l’amincissement cornéen est « compensé » par un cross-linking.

Les implants intraoculaires :
Pour certains patients, une fois la cornée régularisée par anneaux et/ou laser ou greffe de cornée, il reste une myopie trop forte pour être corrigée en lunettes (le plus souvent car l’autre œil est beaucoup moins atteint et donc mois myope, limitant la prescription de verres trop différents). Une option parfois proposée est d’implanter une lentille intraoculaire pour compenser la myopie, soit devant le cristallin chez les patients jeunes, soit à la place de ce dernier pour les plus âgés. Le résultat est souvent très positif.

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