Histoire du Docteur Marfan (1858-1942)

Bernard Jean Antonin Marfan (1858-1942), ce médecin occitan. Qui était-il ?
Bernard Jean Antonin Marfan. BIU Santé - Paris
« Je considère ma carrière médicale comme normale, largement favorisée par la chance, en tous cas mille fois moins importante et intéressante que celle de A. Marfan (son père), qui tant par son rôle à Paris que par ses œuvres sur l’histoire de Castelnaudary, constitue une gloire pour notre cité. » (1)

Bernard Jean Antonin Marfan est né le 23 juin 1858 à Castelnaudary (Aude), fils d’Antoine Prosper Marfan docteur en médecine et d’Adelaïde Thuries sans profession. Son père Antoine Marfan était médecin et également maire de Castelnaudary en 1888 puis député de l’Aude de 1894 à 1898.

Bernard J-A Marfan fait ses études secondaires à Castelnaudary, obtient le baccalauréat série lettres et sciences la même année. Il s’inscrit en 1877 à l’Ecole de Médecine de Toulouse, et en 1879 présente le concours de l’externat à Paris dans le service du Pr. Lasègue. Interne ensuite dans le service du Pr Auger (1882), puis médecin en 1887 avec pour sujet de thèse : « Troubles et lésions gastriques dans la phtisie pulmonaire. »

De cette thèse sera élaborée la loi de Marfan : tout enfant qui a eu une atteinte tuberculeuse extra pulmonaire initiale, sera protégé d’une tuberculose pulmonaire ultérieure.
Il devient agrégé des hôpitaux en 1892, supplée J.J Grancher, et en 1901 le pionnier de la pédiatrie moderne oriente son activité vers les enfants et tout particulièrement ceux atteints de diphtérie, en devenant aux « Enfants Malades » chef de service.

En 1910 il occupe la chaire de thérapeutique ; en 1914 il est élu à l’Académie de Médecine et la même année la nouvelle chaire d’hygiène de la première enfance lui est attribuée. Il transfère sa chaire à l’Hospice des Enfants Trouvés (futur Hôpital Saint Vincent de Paul) dès 1920, et fonde avec Pinard l’Ecole de Puériculture. Durant la même période il crée la revue « Nourrisson » et devient Président du Comité national de l’Enfance, après Strauss.

Comme un certain nombre de médecins de l’époque qui mettaient au point un procédé ou un instrument médicochirurgical, Marfan met au point la seringue stérilisable en métal, à piston d’amiante pour huile mentholée et la seringue tout en verre pour huile mentholée. Il préconise en même temps la ponction péricardique par voie sous xyphoïdienne et donnera son nom à une technique de ponction lombaire.

Robert Debré qui fut son interne aux Enfants Malades en 1906, Eugène Apert (syndrome d’Apert : acrocephalosyndactylie décrite en 1923) et Benjamin Weill-Halle qui généralisera la vaccination par le BCG avec Calmette dès 1921, sont trois de ses plus brillants élèves.

Pour l’histoire nous rapporterons que le premier à évoquer le « syndrome de Marfan » est un hollandais d’Utrecht, H.Jacobus Marie Weve en 1931 car « nul n’est prophète en son pays… ». En 1934, Marfan est récompensé par la Société Royale Anglaise de Médecine. Marfan décède le 11 février 1942 à Paris, est inhumé à Castelnaudary avec les membres de sa famille (1).

L’Histoire de Gabrielle
Fig. 1 : Gabrielle P…(Coll. BIUM)

Fig. 2 : Dessin des mains et des pieds de Gabrielle P…(Coll. BIUM)
Le 28 fevrier 1896, le Pr. agrégé Marfan présente a la Société Médicale des Hôpitaux de Paris le cas de Gabrielle P… (Fig. 1 et 2) âgée de cinq ans et demi. [2] La présentation s’intitule : Un cas de déformation congénitale des quatre membres, plus prononcée aux extrémités, caractérisée par l’allongement des os avec un certain degré d’amincissement. La description est purement clinique, mais avec de nombreux détails et mensurations de chaque segment de membre et de phalanges.

Marfan confirme son impression clinique par les dessins des membres (Fig. 2) en notant : les déformations sont symétriques, plus prononcées aux extrémités qu’’à la racine des membres .

Il complète : l’aspect général (des mains) est celui de pattes d’araignée. Fig. 3 : publication du cas de la petite Gabrielle dans la Semaine Médicale des Hôpitaux le28 février 1986 (Coll. BIUM).
Fig 3 : publication du cas de la petite Gabrielle dans la Semaine Médicale des Hôpitaux le28 février 1986 (Coll. BIUM)
Marfan conclue avec modestie : En résumé cette fillette est atteinte d’une déformation congenitale des quatre membres, plus prononcée aux extrémités, caractérisée surtout par l’allongement des os, avec un certain degré d’amincissement. On pourrait peut-être donner à cette malformation le nom de dolichostenomelie… J’ai tenu surtout à vous présenter un cas qui m’a semblé exceptionnel.
Marfan signifiait par ce mot d’origine grecque que Gabrielle avait des membres-longs-étroits.

L’histoire de Gabrielle ne s’arrête pas là : en 1902 devant la même Société Medicale, H.Mery et L.Babonneix [3] présentent Gabrielle avec des signes cliniques évolutifs : existence d’une gouttière médiane et verticale au niveau thoracique et une cyphoscoliose dorso-lombaire d’apparition récente . En reprenant les mesures précises de Marfan ils constatent une tuméfaction épiphysaire du cubitus et de l’humérus gauches. L’utilisation récente de la radiographie leur fait penser à une nouvelle forme d’atteinte osseuse qu’ils appellent hyperchondroplasie. L’hérédosyphilis est diagnostiquée et l’enfant reçoit des frictions mercurielles et d’iodure de potassium… . Gabrielle est décédée de la tuberculose, Marfan le signale en 1938. Il n’est pas évoqué de troubles cardiovasculaires ou oculaires. Beals en 1971 [4] et Hecht en 1972 ont imaginé avec 76 ans de recul que Gabrielle présentait les signes du syndrome Arachnodactylie et Contracture Congenitale connu maintenant comme syndrome de Beals ou CCA syndrom (Congenital Contractural Arachnodactyly) secondaire a des mutations du gène pour la fibrilline 2 sur le chromosome 5 (1).

Marfan pouvait reposer en paix, seule la biologie moléculaire avait dissocié les différentes fibrillines et les deux types d’anomalie clinique ouvrant le chapitre des maladies du collagène et du tissu élastique.

Conclusion

Bernard Jean Antonin Marfan a mené une existence marquée par un combat permanent contre les maladies de l’enfant, souvent aggravées par la malnutrition. Il peut sans conteste être reconnu comme le premier grand pédiatre de notre pays, le père de la puériculture, flambeau que son élève Robert Debré portera au plus haut niveau. Il a décrit le premier cas de maladie des tissus conjonctif que la nosologie actuelle différencie du syndrome éponyme.

Références

  • 1. Jean-Claude Léonard et Christian Morin. Qui était-il ? Bernard Jean Antonin Marfan (1858-1942) La Gazette de la Société Française d’Orthopédie Pédiatrique n°28. 2009 : 2-5.
  • 2. Marfan AB. Un cas de déformation congenitale des quatre membres. Bull Mem Soc Med Hop Paris 1896 ; 13 : 220-7
  • 3. Mery H, Babonneix L. Un cas de déformation congenitale des quatre membres. Hyperchondroplasie. Bull Mem Soc Med Hop Paris 1902 ; 19 : 671-6
  • 4. Beals RK, Hecht F. Congenital contractural arachnodactyly. J Bone Joint Surg 1971 ; 53A : 987-93